L’éducation « exclusivement » positive

Le magazine Le Figaro a fait de nombreux articles ces dernières semaines sur l’éducation positive, dont une tribune : «La dérive de la parentalité “exclusivement” positive doit être dénoncée»

Grosso modo :

Sauf que ce qu’ils décrivent dans la tribune, c’est du laxisme, pas la parentalité positive (telle qu’elle est présentée par Isabelle Filliozat, Isabelle Filliozat est souvent citée par le Figaro donc je me permet de me baser sur ses livres pour définir l’éducation positive).

Tout ceci a été très relayé dans les médias, j’ai l’impression que le sujet déchaine beaucoup de passions et que beaucoup s’expriment sans savoir ce qu’est la parentalité positive.
J’avais envie de donner mon avis avec mon humble expérience de maman et d’enseignante parce que cela m’agace qu’on profère de fausses informations sur le sujet dans les médias. Parce que non, ce soi-disant excès d’éducation positive et de bienveillance n’est pas responsable des problèmes mentionnés dans la tribune. Et l’éducation positive telle que présentée par Isabelle Filliozat, ce n’est pas du laxisme.

J’entends régulièrement autour de moi (même chez des collègues enseignants) des propos qui relèvent d’une très mauvaise compréhension du concept d’éducation positive (bienveillante, empathique, consciente… il y a plein de façon de l’appeler). Il y a toujours quelqu’un pour parler de l’enfant qui frappe ses parents et mange des bonbons toute la journée parce que sa mère « est dans l’éducation positive » ou la pédagogie Montessori…

Moi aussi avant d’être maman, j’ai cru ce qu’on disait de l’éducation positive (merci les médias…). Moi aussi, j’ai trouvé ça stupide les : « il ne faut pas dire non », « il ne faut pas de punitions et de récompenses» et « les violences éducatives ordinaires »… Mais si on s’intéresse, qu’on lit et qu’on creuse, (dans les livres, pas sur les réseaux sociaux !), on trouve une philosophie qui nous permette une réelle bienveillance, un réel respect de l’enfant et même une guérison de nos propres blessures !

Je suis infiniment reconnaissante pour le travail d’Isabelle Filliozat,

Ses mots ont pu atteindre la maman épuisée que j’étais qui avait tant besoin de conseils,
Ils m’ont aidé à panser mes blessures d’enfant,
Ils m’ont ouvert la porte d’une communication empathique et bienveillante,
Ils m’ont donné des outils pour accompagner mon enfant selon mes valeurs,
J’ai pu me reconnecter à mon in
stinct,

J’ai compris ce que c’était que d’éduquer à la paix.

Je m’attends souvent à me tromper, à me rendre compte que cette voie de la bienveillance ne mène à rien (ou même à la violence). Mais jour après jour, depuis maintenant plus de trois années, je me rends compte que cela fonctionne (en tant que maman et en tant qu’enseignante), que cela me convient (et je comprends que cela ne conviennent pas à tout le monde!).

La parentalité positive c’est sortir des jeux de pouvoir avec son enfant

Je dirais que la parentalité positive se résume à une chose très simple (mais pas du tout facile à appliquer) : ne pas rentrer dans un jeu de pouvoir avec son enfant.
Je ne dis pas : « Non ! » juste pour asseoir mon autorité, je ne pose pas de limites juste pour « montrer qui est le chef ».
Je crée un environnement sécurisé et sécurisant pour que l’enfant puisse se développer au mieux. Un environnement dans lequel il puisse exercer sa curiosité, sa créativité et son autonomie.

Un environnement sécurisant, c’est aussi un parent bien dans ses baskets, qui a confiance en lui et qui est stable, prévisible. Ce sont des conflits (il y en a nécessairement) qui sont gérés de manière bienveillante2 (gérés pas évités !)

Cela ne veut pas dire laisser tout faire ou céder. Ce n’est pas du laxisme. Pas du tout. Le laxisme c’est une forme de maltraitance.

Si je ne laisse pas mon enfant regarder la télé toute la journée, ou manger tous les bonbons qu’il veut, ce n’est pas pour imposer mon autorité.
C’est parce que je pense que c’est dangereux pour lui, comme je l’empêcherai un boire dans une bouteille de produit toxique ! Un parent qui laisse faire ce genre de chose n’est pas « trop bienveillant » ou dans une parentalité « exclusivement » positive. Il n’arrive pas à s’imposer et il met le développement de son enfant en danger (et il y a de nombreux facteurs à l’origine de ce comportement).

C’est une autre manière de voir les choses. C’est un autre regard sur l’enfant. Un enfant qui a tout ce dont il a besoin et qui est dans un environnement adéquat pour son développement se comporte bien. S’il se comporte mal, c’est le symptôme de quelque chose et il faut creuser. Il faut très souvent regarder sur quoi on peut agir sur l’environnement de l’enfant plutôt que de chercher à le corriger.

La pédagogie positive propose des outils (bienveillants, non violents) pour vivre avec ses enfants sans lutte de pouvoir, sans dominant, sans dominé. (On est pas obligé d’utiliser tous les outils et d’être d’accord avec tout.)
Cela demande de regarder en soi pour se demander : Est-ce que lorsque je dis ceci, je participe à créer un environnement adéquate pour mon enfant ou est-ce que je cherche à asseoir mon autorité (à dominer)?

Arrêter avec le : « tout est de la faute des parents »

On veut tous le meilleur pour nos enfants. On est tous des parents différents, avec des enfants différents, des méthodes différentes, c’est parfaitement normal !
Être parent, c’est difficile, très difficile. Il ne s’agit pas d’être un parent parfait mais un être humain qui accompagne l’enfant avec nos failles, nos blessures, nos émotions qui débordent parfois, mais être un humain authentique. C’est ce parent dont l’enfant a besoin. Son parent. Pas un parent parfait. Il y a trop de place pour la culpabilité dans la parentalité, on fait de son mieux avec les ressources qu’on a, et notre enfant aura la résilience pour avancer, s’adapter et faire à son tour de son mieux dans sa vie. (C’est l’amour que l’on reçoit dans son enfance qui nourrit notre résilience pour affronter les épreuves de la vie)8.

On accuse souvent les parents du mauvais comportement de leur(s) enfant (s). On dit qu’ils ne savent pas poser de limites. Tous les parents n’ont malheureusement pas les ressources internes (connaissances, temps, énergie…) et externes (argent, alimentation saine…) pour donner le meilleur à leurs enfants. Ces parents sont certainement pour la plupart en souffrance, la vie les a abimés, les abime encore et ils n’ont pas assez d’énergie disponible pour la fournir à leur(s) enfant(s). Sans déresponsabiliser totalement, il faut tenir compte des facteurs sociaux et psychologiques. La société devrait être également tenue responsable de ses enfants. Est-ce normal qu’un parent soit seul face à ses difficultés avec ses enfants ? Qu’il n’y ai aucun accompagnement à la parentalité ? Que trop de mères ou de pères soient sans soutien ?
Les parents devraient-ils vraiment être les seuls éducateurs alors que comme dit ce proverbe africain : « ll faut un village pour élever un enfant ». Où est le village ?4

Je me rend compte de mon privilège de pouvoir lire et m’instruire par moi-même. En reprenant le travail en tant qu’enseignante, cela m’a choqué a quel point on blâme des mères d’enfants en difficulté. Elles doivent déjà être en souffrance d’être seules avec peu de ressources, que propose-t-on pour les aider ? (Mettez-vous un peu à leur place !)
Avant de blâmer « les parents qui n’assurent pas leur rôle d’éducateur » ne devrait-on pas regarder en face notre modèle de société qui n’assure pas de soutien à tous les parents et ne protège pas ses enfants ?

Si on prend le temps de réfléchir un peu, les problèmes de société que constatent certaines personnes (augmentation de la violence, agressivité, défis de « l’autorité »…) sont-ils vraiment à blâmer sur les parents qui lisent trop de livres de parentalité ? Qui sont a l’écoute des besoins de leur(s) enfant(s) ? Les enfants qui deviennent violents sont-ils ceux qui sont « trop aimés » ? Vraiment ? Ou peut-être qu’il faut regarder ailleurs ?

Conclusion

Il n’y a pas a culpabiliser. Chacun fait comme il peut avec les moyens et les connaissances qu’il a.5
Je ne pense pas que l’on cause de dommages irréversibles, surtout si nos intentions sont bonnes. Si l’on a fait quelque chose en étant persuadé que c’était bon pour notre enfant, notre enfant ressent notre amour et c’est un support extraordinaire de résilience pour lui.8

L’éducation positive peut être parfois détournée (comme tout) mais l’éducation « traditionnelle » du XIXe-début XXe dont certains ont la nostalgie (voir par exemple les commentaires sur les articles du Figaro) est intrinsèquement violente. Elle est violente par sa vision négative de l’enfant, de l’être humain. Quand on sait les dégâts que l’éducation soi-disant « traditionnelle » a fait au XIXème siecle, au début XXème…9 il n’y a vraiment pas a en être nostalgique !

On ne peut pas être trop bienveillant. Si on est à l’écoute de ses émotions, des émotions de son enfant, si on écoute en soi, on n’est pas dogmatique. Chaque situation, enfant, parent, amène à une réponse différente : il n’y a pas une méthode toute faite ! Il n’y a pas de « bien » et de « mal » non plus. Avoir des outils bienveillants dans lesquels puiser, ça aide, avoir des connaissances sur l’enfant aussi. C’est la philosophie générale qu’il faut assimiler et pas seulement des outils.

Je voulais simplement dans cet article donner un aperçu de mon point de vu sur la question. Tous les parents ont des façons de faire différentes, il ne s’agit pas de dire que ce que font les autres, c’est mal (ce ne serait pas très bienveillant). Je voulais surtout dire que :

  • Si des enfants se comportent mal, ce n’est pas parce que les parents sont trop bienveillants, ce n’est pas parce qu’ils ont été trop aimé, choyé, materné.
  • « L’éducation positive » est extrêmement mal représenté dans les médias, il faut se renseigner par soi même.

Pour finir, voici quelques références, des livres et des conférences que j’ai beaucoup aimé :

  1. L’intelligence du coeur, Isabelle Filiozat, pour comprendre ses émotions.
  2. Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent, Adele Faber, Elaine Mazlish, des outils pratiques de communication pour gérer les conflits.
  3. Chasseurs, cueilleurs, parents, Michaelen Douclef, conseils super pratiques pour éduquer des enfants qui coopèrent.
  4. Vivre heureux avec son enfant, Dr. Catherine Gueguen, Le livre qui m’a fait comprendre qu’il ne fallait pas laisser pleurer un bébé.
  5. Dr Nicole Guédeney, conférence sur l’attachement : https://www.youtube.com/watch?v=8RfVJdY2DFo&t=2040s
  6. Isabelle Filliozat conférence : Accueillir les émotions du tout petit : https://www.youtube.com/watch?v=N0sv4scZIqs&t=561s
  7. L’enfant, Maria Montessori, pour changer sa vision de l’enfant
  8. Conférence sur la résilience : Boris Cyrulnik : https://www.youtube.com/watch?v=AM4JSsNIJ3E
  9. C’est pour ton bien, Alice Miller, Pour comprendre d’où nous vient cette une vision négative de l’enfant et de l’humain.

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